Carl Rogers (1902-1987) est le fondateur de « l’Approche Centrée sur la Personne » (ACP) connue au départ comme approche « non-directive ». Il insiste en priorité sur la qualité relationnelle client-thérapeute qui se développe à travers des attitudes facilitatrices.
Il est certainement une des personnes qui a le plus marqué, de son influence, le XXe siècle en mettant l’accent sur le potentiel de l’être humain et la valeur de la personne. Son influence ne touche pas uniquement le domaine de la psychologie, mais s’étend, plus largement, à une dimension sociétale (philosophique, éducative, politique).
En psychologie, il a pris une position originale entre le behaviorisme et la psychanalyse, position connue en tant que « troisième force ».
Pour le behaviorisme (Watson puis Skinner) l’être humain est un être réactif, soumis à son environnement. Seule compte l’étude scientifique de ses comportements directement observables et non ce qui se passe intérieurement (organisme vide).
Pour la psychanalyse, l’être humain, largement déterminé de l’intérieur, est dépendant de ses pulsions inconscientes le plus souvent en conflit avec le principe de réalité. En l’aidant à rendre conscient ce qui est inconscient il pourra trouver un modus vivendi acceptable.
Pour Rogers :
« Les personnes ont en elles de vastes ressources pour se comprendre et changer de manière constructive leur façon d’être et de se comporter. Ces ressources deviennent disponibles et se réalisent au mieux dans une relation définissable par certaines qualités. » (Rogers et Sanford 1985)
Le thérapeute met en œuvre certaines attitudes et savoir-faire pour que ces ressources puissent se libérer (voir l’approche centrée sur la personne). De la sorte, la personne se relie à un mouvement naturel de transformation. Ce mouvement se développe d’autant mieux que la personne est connectée à la dimension vivante, « organismique », de son expérience directe.
L’être humain est le résultat d’une intelligence organique globale qui se manifeste par un mouvement vers sa propre actualisation : « dans chaque organisme, à quelque niveau que ce soit, il existe un flux sous-jacent de mouvement vers la réalisation constructive de ses possibilités inhérentes. »( A way of being, 1980). Cette intelligence est en lien avec l’organisation même du vivant auquel Rogers a donné le nom de « tendance formative ».
Signalons qu’il revient à Rogers d’avoir initié (dès les années 1940) la recherche quasi expérimentale en psychothérapie, recherche fondée sur l’écoute et l’analyse d’enregistrements audio de séances de psychothérapies. Cette pratique a permis d’affiner le travail du psychothérapeute et d’en tirer une pédagogie pour la formation des futurs thérapeutes. Il a toujours cherché à allier la recherche expérimentale, la pratique clinique et l’investigation théorique.
Rogers par Gendlin
« Rogers se trouva à contre-courant de presque tout ce qui se faisait dans le champ de la thérapie. Il changea le rôle du thérapeute. Les thérapeutes ne devaient plus imposer leurs interprétations. Il n’y avait plus des thérapeutes « bien portants » regardant de haut des patients « malades ». Le patient ne devait plus être un objet de « traitement » passif. Rogers changea le nom même de « patient » pour celui de « client ». Il élimina le modèle médical et prit un nouveau terme dans le champ de la justice : l’homme de loi est un expert et un avocat mais non celui qui prend les décisions concernant la vie du client. Les clients étaient invités à descendre plus profondément dans leur propre expérience. Rogers élimina le divan. C’était si inhabituel qu’un manuel scolaire de cette époque consacra une de ses images à une photographie de deux personnes assises de chaque côté d’un bureau. C’était une photo de la Thérapie Centrée sur le Client ! Il élimina le diagnostic, l’histoire du patient, la prise de note, la distance clinique et toutes ces vieilles attitudes qui refroidissent. Un étudiant qui avait suivi la formation avec lui était un psychologue d’un genre nouveau. Rogers donna un départ totalement nouveau à la psychothérapie. Cela lui demanda un immense courage. » (Gendlin 1994)