
Avec le focusing, l’expérience de Soi au service des autres
Dans ce témoignage sensible, Alexandre Jacquelin retrace son chemin de reconversion, guidé notamment par le Focusing et l’Approche Centrée sur la Personne. Passant de cadre en quête de sens à accompagnant incarnant la Présence, il nous parle d’un retour profond à Soi… au service des autres.
Aujourd’hui le Focusing, l’accompagnement, c’est ton activité principale, mais ça ne l’a pas toujours été. Tu as rencontré le Focusing il y a une dizaine d’années comment ça s’est passé cette rencontre ?
« Moi avant j’étais dans une vie d’entrepreneur, d’entreprise, j’ai été cadre et j’ai été dans différents secteurs. Et j’étais en recherche de trouver une place, de trouver quelque chose qui a du sens pour moi. J’avais déjà commencé à cheminer avec la sophrologie, qui m’a permis de revenir vers moi avec de la bienveillance, avec de la pratique, pour aller soulager là où il y avait besoin, et puis pour reprendre aussi une forme de respiration vis-à-vis de mon parcours de vie.
Et au détour d’une rencontre et d’un entretien, quelqu’un m’a offert un accompagnement orienté à CP et focusing, et ça a été très fort. C’était justement vis-à-vis de difficultés dans mon travail, quand j’étais encore en entreprise, et ça a ouvert toute une nouvelle voie dans la manière de m’y prendre, avec cette recherche de mettre du sens, de mettre de la vérité, de la direction dans ce que je faisais.
Et voilà, chemin faisant, je suis revenu au focusing pour répondre à l’aide dont j’avais besoin, jusqu’à finir par sentir que c’était vraiment ça que je voulais mettre au centre de ma vie, cette manière de se mettre à l’écoute de soi, à l’écoute de l’autre, à l’écoute de la vie, ça m’a vraiment permis de construire cette transition sur des bases solides, concrètes. En parallèle de mon activité de sophrologue au départ, de vraiment me sentir aussi légitime à proposer quelque chose qui soit vertueux, qui soit bienveillant pour les autres aussi quoi, à partir de ma propre pratique. »
Donc c’est parti, si j’entends bien, d’une quête personnelle finalement, d’une recherche de mieux-être, dans laquelle tu as rencontré la sophro, puis le focusing, puis là tu as trouvé quelque chose qui t’apportait suffisamment que pour continuer, et finalement de venir prendre une place centrale dans ta vie.
« Oui, ça s’est fait très naturellement, ça s’est fait tout seul, c’est dès que j’ai commencé à vraiment me sentir bien avec moi, et puis à toucher, à retoucher profondément des aspirations, du sens quoi, de la joie, vis-à-vis de ce que j’ai envie de faire dans ma vie. Alors au départ ça a été de reprendre aussi un peu la musique, qui est venue aussi participer à l’accompagnement que je proposais dans le cabinet, avec la sophro, et puis… au fur et à mesure, plus je me suis éveillé à cette joie intérieure, à cette envie de laisser aller ma créativité, mes intuitions, faire ce que j’aime, plus c’était vertueux, c’est-à-dire que ça faisait du bien aux gens.
Alors oui, j’ai continué de proposer, de partager ce que je vis pour moi, ce qui m’aide, cette voix qui est proposée par Rogers et par Genlin, pour moi c’est une voix complète de retour à soi, ça c’est mon langage à moi, mais de pouvoir reconnecter vraiment avec une nature profonde, un être profond, et à partir de cette reconnexion, de pouvoir se manifester dans la vie d’une manière beaucoup plus juste, beaucoup plus vraie, beaucoup plus joyeuse, beaucoup plus singulière.
C’est un chemin, ça a pris une dizaine d’années à peu près, aujourd’hui je sens que quelque chose aboutit quand même. »
En t’écoutant, ça m’évoque comme un retour à la vie, ou en tout cas à la créativité, que la musique et certainement d’autres aspects qui ont pu se développer ou être retrouvés. Tu me disais que tu étais cadre. Comment ça s’est passé, cette transition entre la vie d’avant, l’Alexandre d’avant et puis l’Alexandre que j’ai en face de moi ?
« Comment ça s’est passé ? Eh bien en fait ça ne s’est pas passé comme prévu. Et je crois que jamais ça ne se passe comme prévu. C’est à dire que, ce n’est pas que j’étais malheureux dans mon travail, mais j’avais beaucoup de tensions, et puis je sentais bien que ça ne répondait pas à ce que je cherchais à manger. Ma nourriture profonde n’était pas là. C’était très excitant, très amusant, il y avait du challenge, il y avait des résultats, il y avait plein de choses, mais il y avait quelque chose qui n’était pas nourri au fond.
Alors quand j’ai commencé la sophro, ça m’a permis de commencer à sentir un peu plus ça. C’était pas nourri au fond, et du coup j’ai commencé à envisager un espèce de virage, en faisant un peu des projets. Dans 3 ans, je me vois bien commencer à faire des accompagnements. Je vais commencer à lever le pied au travail. Je vais préparer financièrement la suite. J’avais fait tout un plan sur plusieurs années.
A partir du moment où j’avais vraiment mis le pied dans la formation, j’ai commencé à amener de l’accompagnement. Il y a eu désaccord, il y a eu rupture. Je me suis retrouvé dans le vide. A la fois, ça a été très dur, et à la fois, ça a été génial. En quelques mois, j’ai eu des réflexes assez habituels. Il faut que j’en trouve un boulot pour reprendre mon plan que j’avais décrit. Et dans le milieu où j’étais, ça n’a pas été possible. En moi, je ne pouvais pas reprendre un boulot. Ça demandait trop.
Au bout de quelques mois, je suis beaucoup retourné à la nature. J’avais besoin de purger, de vider, il y avait beaucoup d’angoisse, beaucoup de choses. Et c’est là qu’est revenue la guitare, qui était un de mes instruments quand j’étais plus jeune. Un peu engagé quand même. Et la guitare est venue comme un espèce de trait d’union, en fait, dans la relation que je proposais avec les gens. C’est-à-dire comme un outil, un médiateur.
J’ai compris en fait que moi, avec la guitare, je cherchais juste à accéder à moi-même, à mes émotions, à accéder à un sens plus profond de moi-même et de ce que je fais ici. Et avec cette conscience-là, j’ai pu accompagner des gens qui, finalement, vivaient un peu la même chose. L’envie d’accéder à la musique, à l’instrument, c’était en fait une envie d’accéder à une dimension d’eux-mêmes. Et à partir de là, j’ai commencé à proposer ça, et ça s’est rempli. Mon agenda s’est rempli, en fait, du lundi au vendredi, progressivement. »
Donc ça c’était déjà comme activité professionnelle ?
« Oui déjà, j’avais que ça en fait, j’avais pris le boulot… Je suis parti avec un petit peu d’argent de mon travail, mais voilà, six mois après cette rupture inattendue, l’activité cabinet a commencé. Et là on est fin 2015. En 2016, je vis un séminaire de focusing. Et là, deuxième grande révélation. Et voilà, c’est les étapes suivantes après, on peut les détailler si tu veux. Mais sans plus loin, par rapport à ta question, la transition elle est vraiment là. »
Aujourd’hui donc là, tu pratiques essentiellement le focusing tu dirais ? Comment ça se passe ton accompagnement aujourd’hui ? Ou il y a peut-être d’autres choses ? Il y a cette sophro dont tu parlais, je crois qu’il y a aussi la méditation, comment ça s’articule et puis c’est quoi qui fait ta patte singulière, ta couleur ?
« Tout va ensemble en fait. Je ne peux pas séparer, je ne peux pas dire à un moment je fais ci… en fait, le fil rouge de mon cheminement personnel, ça a été le retour à soi, c’est-à-dire que ça a été me réapproprier, quelque chose d’identitaire, mais identitaire pas au niveau social, identitaire au niveau d’une place d’être humain quoi. Une conscience même de qui je suis en tant que nature profonde qui s’exprime dans la matière, à travers un corps, à travers des émotions, un cerveau, tout ça, mais comme une nature première en fait.
Et tout est venu nourrir ça, la sophro, le focusing, la méditation, l’ACP de Rogers, et puis même d’autres choses encore, évidemment. Donc finalement, aujourd’hui, ma note singulière c’est ce que je suis en fait, ce n’est pas une pratique en particulier. C’est ce que je propose, c’est le partage de ce que je suis dans l’instant, et j’observe que quand j’arrive à être juste ça, juste présent, connecté à ma nature profonde et ouvert, il se passe quelque chose de ressourçant, d’aidant, d’accompagnant pour chacun d’entre nous.
C’est de la méditation ça pour moi. La méditation pour moi c’est pas protocolaire, c’est de rester baigné en contact de cette nature profonde-là. Et j’observe combien c’est aidant. C’est ça pour moi, ce n’est pas le focusing en lui-même ou la sophro en elle-même, ce n’est pas la technique, c’est moi. Toutes ces approches m’ont permis de goûter à une expérience de soi avec une conscience de la présence et de l’aspect qualitatif que ça peut générer dans l’espace relationnel. Donc moi, mon approche c’est d’être cela. Et quand je parviens à être cela, il se passe quelque chose et ça aide.
Des fois je ne le suis pas, et ce n’est pas grave, mais le plus souvent je le suis et c’est cela qui touche les gens, c’est ça qui accompagne les gens à revenir au contact d’eux-mêmes. »
Ça me donne l’image d’être soi et juste par le fait d’être soi, de permettre aux autres d’en faire de même ou de cheminer vers eux-mêmes
« C’est exactement ça. Alors, Rogers il en parle très clairement, Gendlin aussi. Pour moi ce qui a été déterminant, c’est la mise en œuvre : comment je fais pour vivre ça, pour expérimenter ça. Ce qui est particulier dans mon parcours quand j’avais besoin d’aide, c’est que je n’ai pas été accompagné avec la méthode. J’ai été accompagné par quelqu’un qui incarnait ça, sans même me dire ce qu’il faisait, ou ce que c’était, à quoi ça faisait référence. Par après, « ah oui, c’est du focusing », « ah oui il y a des étapes », etc. mais c’était déjà goûté donc ça prend sa place en premier.
J’essaie de repartager de cette manière là. Bien sûr on met de la conscience sur ce qu’on fait, sur ce qui se passe, comment on s’y prend, car c’est ce qui permet aussi de s’outiller pour la vie. Mais… l’expérience, c’est ça qui a fait une différence pour moi. Aborder par l’expérience. »
Merci beaucoup. Si tu avais un conseil, un encouragement à partager à quelqu’un qui serait à un tournant de sa vie, qui hésiterait à faire le pas de basculer, d’aller l’audace d’aller vers soi, que pourrais-tu lui dire ?
« D’abord j’aimerais la remercier de faire ça pour elle, mais de faire ça pour nous. En faisant ça, elle fait un acte généreux pour nous tous. Chaque personne qui « fait l’effort », qui a le courage de revenir vers soi, c’est un exemple pour tous les autres. Je n’ai pas vraiment de conseil à donner, on est tous singuliers, avec des expériences différentes.
Moi ce qui m’a plus aidé, c’est d’accepter de demander de l’aide. Parce que je crois que quand on accepte de vraiment demander de l’aide, en ressentant à qui, comment bien sûr, dans mon expérience, quand j’ai vraiment eu besoin d’aide et que j’ai été la demander à quelqu’un avec qui je sentais que c’était possible, je suis devenu capable de m’aider moi-même. Quand j’ai accepté cette aide. »
Des propos recueillis par Maxime Calay lors du séminaire d’été de focusing 2024
Fiche praticien d’Alexandre : https://ifef.org/praticiens-focusing/jacquelin-alexandre-432/
Crédits :
Photo : ecommunication – Léo Durand
Musique : Maxime Calay